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Espace Santé Olivier Sabouraud
7 rue de Normandie, 35000 RENNES

C’est quoi le quatrième trimestre de grossesse ?

Préambule, ou le fil de la pensée de IDA

Ce texte est destiné à tous ceux qui s’intéressent à cette période fondatrice pour l’être humain que sont les premiers mois de la vie du bébé.
Ces lignes reflètent en partie l’état actuel de la réflexion au sein du comité de pilotage d’IDA ( Investir Dans l’Attachement) sur ce sujet.
Nous expérimentons avec notre travail de recherche clinique que notre pensée sur le sujet nous amène à des ajustements répétés , de même que les parents avec leur bébé : le développement incessant de ses compétences qui les entraîne vers des étapes successives d’accordages et de « séparations ». La question de l’attachement débouche sur celle dite de la séparation.

C’est quoi le 4 ème trimestre de la grossesse : c’est le trimestre très particulier qui commence à la naissance. C’est une idée qui nous vient du Québec ( Ingrid Bayot).

Pour le bébé , c’est la période d’adaptation à l’air libre : que de changements pour lui qui jusqu’alors a poussé dans le grand confort du ventre de sa mère : un bain constant à 37 ° , une alimentation 24 h/24h , un tube digestif au repos , la contention douce et sécurisante des parois utérines, les sons réguliers du cœur et de la circulation maternels, le tout dans une semi-obscurité.

Pour les parents c’est la période intensive des soins pour assurer la survie d’un bébé très dépendant d’eux : pas de rythme régulier, des pauses courtes et interrompues , une veille 24h24, une fatigue par manque de sommeil. Après une surveillance de grossesse de plus en plus médicalisée et souvent anxiogène, après le stress de l’accouchement, les parents sont livrés à eux mêmes.
Cette période est lourde de responsabilité : les bébés oubliés ne survivent pas. Notre bébé humain ne marche pas à la naissance comme les chatons, les chiots, le poulain nouveau né, il ne peut avoir l’initiative de venir téter sa mère, par exemple.
Alors c’est souvent difficile de continuer à s’occuper des autres enfants , faire les courses, la cuisine, sa toilette ou tout simplement récupérer un peu d’énergie.
Et les parents débordés , épuisés, déprimés risquent de ne plus plus avoir l’énergie d’entourer leur bébé des soins adaptés.

2020 : Bébés en danger.

Depuis 50 ans c’est plus compliqué de devenir parent la charge mentale qui pèse sur les parents s’est considérablement alourdie : actuellement 50% des parents de bébés déclarent qu’ils trouvent difficile d’être parents .

  •   L’arrivée de la contraception dans les années 70 et de la loi sur le droit à l’IVG en 1975 a été un progrès considérable en permettant souvent la maternité volontaire. Mais la possibilité de choisir entraine la responsabilité d’assumer. Avant , du temps des familles nombreuses subies, les parents faisaient de leur mieux et devaient s’accommoder d’ à peu près.

  •   L’ émergence progressive de l’idée que le bébé est une personne dans les années 80 a alourdi considérablement la charge mentale qui pèse sur les parents .

  •   Le monde s’accélère : les nouvelles injonctions de bien faire se remplacent de plus en plus vite et des parents expérimentent que entre deux enfants espacés de 3 ans les recommandations diverses et variées ont bougé, mais pas leur côté abrupte et péremptoire.

    -Le réseau d’aide transgénérationnel s’éloigne géographiquement mais aussi

    mentalement , avec perte des modèles:
    Cette accélération met à mal les grands parents : les siècles précédents le monde changeait lentement et la transmission du savoir faire d’une génération à l’autre était soutenante. Actuellement

les grands- parents, quand ils ont la chance d’être géographiquement proches, hésitent parfois à proposer leur soutien, pressentant que leur façon de faire n’est plus validée par la nouvelle génération. Alors les grands -parents se tiennent sur une réserve polie, se gardent d’être ressentis comme intrusifs, ils deviennent évitant par crainte du conflit. Il faut parfois aux grands parents une solide estime d’eux mêmes pour oser proposer leur bon sens.

– Et les parents débordés, fatigués, déprimés perdent l’estime d’eux mêmes, entrent dans la culpabilité et n’osent pas demander de l’aide à leur entourage à hauteur de leur besoin .

 Le lobby de la puériculture s’empresse d’exploiter ces vulnérabilités modernes . Ils induisent des modes par une course à une perfection inaccessible en proposant sans cesse le dernier modèle de poussette, de balancelle… Ils présentent ces accessoires comme indispensables pour être un bon parent ou encore comme libérateurs : comment avec ce nouveau gadget « avoir la paix avec son bébé » ? alors que c’est par les interactions que le bébé se développe.

Pourtant ce 4 ème trimestre est une chance pour l’espèce humaine :
c’est sur la base de la grande vulnérabilité du bébé et par les soins intensifs nécessaires à sa survie que va se construire le lien d’attachement parents- bébé.
Par la façon dont les parents s’occupent de leur bébé, le bébé va petit à petit comprendre le monde, Par la sécurité qu’il va ressentir à travers les soins qu’il reçoit et grâce aux compétences qu’il développe chaque jour, il va pouvoir commencer à oser explorer le monde .

C’est important de contribuer à la disponibilité physique et psychique des parents pendant ce quatrième trimestre de la grossesse justement pour faciliter la mise en place du lien d’attachement.

L’entourage des parents et la société sont très concernés en aidant les parents à trouver le temps et l’espace pour cette disponibilité physique et psychique aux soins de leur bébé.

Cette aide de « la tribu de soutien parental » est à réinventer. C’est ce soutien de la tribu qui a permis la survie de l’Homo Sapiens au paléolithique. La tribu a été mise à mal depuis plus d’un siècle par les migrations des campagnes vers les villes, des pays du Sud vers le Nord. Les parents et principalement les mères sont de plus en plus isolés. Il faudrait que chez les personnes de l’entourage la vue d’une femme enceinte déclenche un échange, alors que bien souvent il est de mise de rester dans une réserve polie, l’intérêt étant ressenti comme intrusif. Ca paraît simple pourtant d’aller vers elle, de la féliciter, de lui offrir notre délicieux couscous maison qu’elle pourra congeler et trouver quand le bébé sera là et qu’elle sera débordée. Et la personne de la tribu de soutien aurait le sentiment de gagner en humanité.
Avec la CAF il faudrait aussi imaginer des dispositifs de proximité pour aider à domicile les parents , en complément des TISF trop peu nombreuses. Le copil d’IDA est prêt à travailler concrètement à ce chantier de politique familiale.

Parlons maintenant du quatrième trimestre des pères : Pour certains pères le monde a changé aussi depuis cinquante ans. Les « nouveaux pères » partagent souvent avec avec la mère le désir d’enfant depuis l’avènement de la contraception. Cette évolution est aussi une vraie chance pour l’humanité. Il est plus associé à la surveillance médicale de la grossesse, a plaisir à venir aux échographies et le code du travail le lui permet maintenant même si ça reste trop confidentiel. Depuis 2001 la mise en place du congé de paternité de onze jours a permis à certains d’expérimenter les soins au bébé . Comme celui des femmes leur cerveau sécrète de l’ocytocine , l’hormone de l’attachement, et la proximité avec le bébé en stimule la sécrétion . L’ocytocine est appelée aussi « l’hormone du bonheur », et le cerveau humain en sécrète toute la vie en particulier dans les autres situations d’attachement. Alors ces nouveaux pères prennent goût aux soins de l’enfant et la mère partage volontiers et récupère plus facilement.

En 2020 une jeune association de parents implantée à Rennes et à Paris : Parents et Féministes se mobilise pour cette parentalité partagée « égalitaire ». La participation des pères aux soins du bébé allège la charge mentale des mères et leur fait découvrir les joies des interactions avec leur bébé. Les pères qui expérimentent seuls les soins à l’enfant parce que la mère est absente ( santé, travail) se mettent à parler de la charge mentale réelle qu’ils ont ressentie mais aussi de leur découverte de ce lien particulier qui s’est construit avec cet enfant et encore de leur accès facilité au champ des émotions.
Alors le plaidoyer pour l’allongement du congé de paternité à plusieurs mois, sa rémunération à hauteur du salaire, son caractère obligatoire, est une revendication politique de 2020.

Pour sa part, le COPIDA a déposé au ministère le 8/11/2019 sa contribution au travail de la commission sur les 1000 premiers jours de l’enfant avec en conclusion dix revendications des bébés IDA. Cette commission des 1000 jours travaille en ce moment et va rendre ses conclusions fin janvier.

Ecrit par Dominique Halbout, membre du COPIDA , le 12 janvier 2020.